L'organisation de défense des droits numériques Fight for the Future tire la sonnette d’alarme. Une récente loi américaine permet aux titulaires de droits d’auteur de réclamer plus facilement des dommages et intérêts en cas de litige, jusqu’à 30.000 $ pour un simple partage de lien. Fight for the Future assure qu'elle menace les bibliothécaires dans l'exercice de leur métier.
Le 04/10/2021 à 16:38 par Hocine Bouhadjera
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04/10/2021 à 16:38
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Le Congrès a adopté cette année la loi Copyright Alternative in Small-Claims Enforcement, aussi désignée sous le nom CASE Act. Celle-ci prévoit la mise en place d’un comité d’experts pour statuer sur des litiges relatifs au copyright.
Ce CASE Act ouvre la voie à la nomination d’un comité de trois juges chargés de « petites » affaires relatives au copyright – et ce, afin d'aboutir au traitement rapide de ces affaires. L’objectif est ainsi de régler des plaintes déposées par des ayants droit et des auteurs indépendants pour des violations du copyright : accélérer leur résolution, d’une part, mais aussi limiter les frais de justice engagés pour que tous les auteurs puissent défendre leurs intérêts.
Une loi saluée en son temps par l’association des éditeurs américains (Association of American Publishers, AAP), mais également critiquée dès le départ par crainte d’une multiplication des litiges pour des motifs fallacieux. L’Electronic Frontier Foundation, organisation de défense des libertés individuelles, avait par exemple jugé que ces limitations étaient très insuffisantes : « La loi CASE pourrait entraîner des amendes de 30.000 $ pour des internautes, pour le seul partage d’un même Internet ou la réalisation d’une vidéo. »
Ce sont aujourd’hui les bibliothécaires qui semblent être mis en porte-à-faux par cette loi.
DROIT: adoption du CASE Act, pour les litiges autour du copyright
Une distinction ubuesque
Si le Congrès a prévu un « opt-out » (option de retrait) préemptif, permettant aux bibliothèques de se retirer définitivement de ce système de réclamation facilitée, dit Copyright Claims Board, celui-ci ne s’appliquera pas au personnel travaillant pour les bibliothèques, a annoncé le Copyright Office.
L'institution a en effet déclaré que « la loi CASE offre expressément l’option de retrait préventif à une bibliothèque ou un centre d'archives », sans mentionner les employés.
Ainsi, la loi semble entériner une distinction entre les bibliothèques et leur personnel. « Cette responsabilité du personnel d'une bibliothèque agissant dans le cadre de son emploi est presque inédite dans la loi et les politiques en matière de droit du travail, de droit des agences fédérales et des exceptions concernant le droit d'auteur » affirment Nick Shockey et Jennie Rose Halperin, dans un article sur le site Library Future.
Les auteurs de l'article donnent des exemples pour mettre en évidence les problèmes concrètement soulevés par cette loi. « Si un bibliothécaire télécharge accidentellement la mauvaise version d’un article au sein d'une base de données institutionnelle, il pourrait faire face à des poursuites judiciaires de la part de l’éditeur de cet article. »
Ou encore : « Si un bibliothécaire numérise et livre un exemplaire numérique d’un document en se conformant aux possibilités légales de mise à disposition de documents, sa responsabilité pourrait être engagée ». Cette loi augmenterait par ailleurs le coût des tâches courantes des bibliothèques, telle que la maintenance des bases de données et autres répertoires.
« C’est totalement inacceptable. Les bibliothécaires jouent un rôle essentiel dans l’accès au savoir et à l’information dans nos communautés, et ils doivent être protégés », juge de son côté le collectif dans le texte qui accompagne la pétition pour la défense des bibliothécaires américains. Pour le groupe, « il existe actuellement une opportunité de contester la réglementation dangereuse proposée autour de la loi CASE spécifiquement pour les travailleurs des bibliothèques. »
Le Copyright Office accepte effectivement les commentaires du public sur cette proposition spécifique aux bibliothèques jusqu'à ce 4 octobre. Fight for the Future appelle ainsi à la mobilisation contre cette loi en exprimant son opposition à cette proposition jugée « dangereuse », « bancale et mal conçue ».
Crédits : Tom Woodward (CC BY-SA 2.0)
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